lunes, 15 de junio de 2015

Triunfadela en Nueva York



El Ciervo Encantado participará próximamente en el V Festival de Teatro Hispano de Nueva York. El grupo cubano presentará en esa ciudad el performances en escena Triunfadela, con el cual participaron hace unas semanas en la muestra oficial del 12 Bienal de La Habana. 

La pieza cuenta con la interpretación de Mariela Brito y dirección de Nelda Castillo y podrá ser vista en función única el próximo domingo 21 de Junio a las 6:30 pm, en la sala Rafael Villalona, en el 541 West de la calle 145, 2do. piso, casi esquina Broadway, en Manhattan (Trenes 1, A, D, B y C, hasta la estación de la calle 145). Con posterioridad a la función, el lunes 22, a las 6:00 pm, habrá un encuentro con Nelda Castillo.






https://www.facebook.com/elciervoencantado

L’art d’un théâtre cubain engagé et critique




Por: Stéphane Bussard
Tomado de www.letemps.ch

Fondée en 1996, la troupe de théâtre El Ciervo Encantado sonde l’âme cubaine tout en échappant à la censure. Sa recette: un travail généreux et solide qui touche à l’identité.
Elles auraient pu s’exiler à de multiples reprises lorsqu’elles présentèrent des spectacles en Italie, en Ecosse ou en Amérique latine. Elles pourraient se contenter d’un théâtre attrayant, mais sans aspérité. Nelda Castillo, 61 ans, et Mariela Brito, 47 ans, ont pourtant emprunté une voie plus difficile et plus risquée. Celle d’un théâtre engagé et critique qui a pour sujet d’analyse Cuba, son passé, son présent. Paraphrasant le poète cubain Eliseo Diego, Nelda, les cheveux courts et teintés, le souligne: «Ce n’est pas une coïncidence d’être née à Cuba plutôt qu’ailleurs. C’est ici qu’on est appelé à témoigner.»

Ex-professeur à l’Institut supérieur d’art (ISA) de La Havane, actrice et metteuse en scène, Nelda Castillo a fondé en 1996 la troupe El Ciervo Encantado en référence à un conte cubain du début du XXe siècle de l’auteur Esteban Borrero Echeverría. Figure majeure du théâtre contemporain cubain, elle témoigne de sa foi dans l’acte théâtral qui doit servir à sonder «l’être cubain». L’identité culturelle cubaine est riche et complexe. A l’image d’un cerf enchanté, métaphore de la liberté, «la culture cubaine ne peut être capturée une fois pour toutes, explique la metteuse en scène, car elle se transforme toujours en quelque chose d’autre». La matière première de la troupe ne se limite pas à la période suivant la révolution cubaine de 1959. Elle remonte à la création de Cuba et à la guerre d’indépendance, dont le poète, écrivain et révolutionnaire José Martí fut le héros.

La mémoire des ancêtres

Pour découvrir l’âme cubaine, le Ciervo Encantado s’appuie sur la littérature, l’histoire, l’art plastique, la musique et la danse. Une manière de refuser un théâtre superficiel qui ne ferait qu’égratigner la réalité. «Par nos pièces, nous nous efforçons d’avoir une approche physique et émotionnelle de Cuba. Nous cherchons à savoir ce que signifie être Cubain, à sentir ce que ressentent nos compatriotes. C’est parfois très fort», explique la très extravertie Nelda Castillo, qui aime accompagner le geste à la parole. Le théâtre qu’elle revendique est celui d’un travail mémoriel qui s’exprime à travers le corps. «Le corps possède la mémoire de nos ancêtres, ajoute la metteuse en scène. C’est pourquoi nous entraînons le corps à faire ressortir cette mémoire. De fait, des choses émergent dont nous n’avions pas conscience.»

Guide touristique dans la vieille Havane, Alex Perez, 31 ans, apprécie l’engagement du Ciervo Encantado: «Il dit ce que les autres troupes théâtrales n’osent pas dire. C’est un théâtre courageux, spirituel et très politique.» Disposant d’une salle de spectacle à l’angle de l’avenue Linea et de la 18e Rue, dans le quartier havanais de Vedado, la troupe de Nelda Castillo n’a jamais subi les foudres de la censure du pouvoir. Soutenu par le Ministère cubain de la culture, le Ciervo Encantado emprunte une voie étroite entre une critique parfois radicale et le risque d’une remise à l’ordre. Nelda Castillo relève pourtant qu’elle n’a jamais pensé à la censure. «Notre théâtre n’est pas un pamphlet ou un discours politique. C’est une œuvre artistique qui a un côté très viscéral. Tout engagement comporte bien entendu un risque, mais ici, nous créons un langage théâtral nouveau. Vu la profondeur de notre démarche, il est difficile de s’en prendre directement à l’œuvre», souligne la metteuse en scène. Alors qu’il fut tabou, voici plus d’une décennie, de prononcer le mot «Fidel» publiquement, le Ciervo Encantado joue avec les images sans gêne, brandissant tantôt celle du «Che» qu’elle démystifie ou celle de Fidel qu’elle met en lien avec le discours irréel du pouvoir.

Lors de la présentation de la pièce Triunfadela, un spectateur, que Le Temps a rencontré et qui souhaite rester anonyme, le déclare: «Des dissidents dans la salle ont trouvé très osé le spectacle présenté. Des membres de la sécurité cubaine ont même interrogé quelques artistes connus pour leur demander ce qu’ils faisaient là.» Installé dans ses nouveaux murs depuis quelque temps, le Ciervo Encantado a toutefois eu de la peine à bénéficier d’une salle digne de ce nom. Le ministère lui a finalement mis à disposition la bâtisse d’une vieille usine désaffectée. L’endroit, même s’il nécessite quelques réparations sporadiques, est un lieu privilégié de la culture cubaine. La salle est à l’image du théâtre que la troupe souhaite pratiquer: il permet un recours aisé à la musique, à l’image, à la vidéo. Il favorise un type de commedia dell’arte à la cubaine. Le Ciervo Encantado ne laisse pas le public passif. Il le sollicite. Sans ménagement.

L’artiste-mule

La radicalité du Ciervo Encantado est très explicite dans la pièce Rapsodia para el mulo inspirée d’un poème de José Lezama Lima. L’actrice Mariela Brito est sur scène, dénudée, avec des œillères, et tire une charge qui semble lui briser le dos. La pièce est une métaphore du quotidien des Cubains qui portent chaque jour leur fardeau de désillusions, dont celle d’un idéal socialiste que la réalité a fracassé. Comme une mule, l’actrice ne parle pas. Aliénée. Sur scène, espiègle et généreuse, elle se tourne soudain vers le public et demande: «Alors Cuba, que s’est-il passé?» Certains spectateurs, choqués, n’applaudissent pas tant l’œuvre marque une rupture d’avec la convention. Dans Triunfadela, la pièce la plus récente présentée à la récente Biennale de La Havane, Nelda Castillo et Mariela Brito revisitent les multiples discours de propagande, les parades et défilés du 1er Mai à partir des années 1960. C’était l’époque du discours triomphaliste. Elles provoquent le public, lui faisant prendre conscience qu’un tel discours est encore présent et qu’il ne cesse de contredire la réalité.
Critiques, Nelda Castillo et Mariela Brito ne le sont pas de façon gratuite. Cette manière de pratiquer le théâtre et de questionner la société cubaine, c’est leur manière de déclarer leur flamme à un pays qu’elles aiment. Cuba est tout pour elles. Une quête artistique et existentielle au service des Cubains.